Impact mondial de la proposition de Directive ESG adoptée par la Commission européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité

 
March 04, 2022

Introduction

Le 23 février 2022, la Commission européenne a adopté une proposition de Directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité.1 L'impact de cette proposition sur les entreprises atteignant les seuils requis qui sont basées dans l'Union Européenne (« UE ») et qui exercent leurs activités dans l’UE est significatif car, pour la première fois, ces entreprises devront s'assurer que le devoir de vigilance en matière de droits de l'homme et de l'environnement fait partie intégrante de leurs activités principales.2

Les entreprises doivent dorénavant se préparer et prendre des mesures proactives afin de s'assurer qu'elles disposent de systèmes et de contrôles adéquats pour détecter et atténuer les éventuelles violations des droits de l'homme et de l'environnement au sein de leurs entreprises et tout au long des chaines de valeur mondiales et qu'elles soient conscientes de la révision et du renforcement de leurs obligations en matière de gouvernance et d’information du public.

1) Quel est le champ d’application de la Directive ?

La proposition de Directive s’applique aux entreprises basées dans l’UE et aux entreprises basées hors de l’UE exerçant des activités dans l’UE.3

La proposition de Directive s’appliquera aux entreprises basées dans l’UE si :

  • Ce sont des entreprises à responsabilité limitée comptant plus de 500 employés équivalents à ceux travaillant à temps plein et réalisant un chiffre d'affaires annuel net supérieur à 150 millions d'euros ; ou
  • Ce sont des entreprises à responsabilité limitée (i) comptant plus de 250 employés équivalents à ceux travaillant à temps plein et réalisant un chiffre d'affaires annuel net supérieur à 40 millions d'euros et (ii) au moins 50 % de ce chiffre d’affaires est réalisé dans l'un ou plusieurs des secteurs suivants (les « Secteurs ») :
    • la fabrication de textiles, de cuir et de produits connexes ;
    • l’agriculture, la sylviculture, la pêche, l’industrie alimentaire et le commerce de matières premières agricoles, d'animaux, d'aliments et de boissons ;
    • l'extraction de ressources minérales (pétrole, gaz, charbon, métaux, minerais et minéraux non métalliques), la fabrication de produits métalliques, de produits minéraux non métalliques et de produits métalliques manufacturés (à l'exception des machines et des équipements) ; et
    • le commerce des ressources minérales et des produits minéraux (métaux, minerais, combustibles et produits chimiques).

La proposition de Directive s’appliquera également aux entreprises basées hors de l’UE si :

  • Elles ont généré un chiffre d'affaires net supérieur à 150 millions d'euros dans l'UE au cours de la dernière année ; ou
  • Elles ont généré un chiffre d'affaires net supérieur à 40 millions d'euros dans l'UE au cours de la dernière année et au moins 50 % de leur chiffre d'affaires net mondial a été réalisé dans l’un ou plusieurs des Secteurs.

Les petites et moyennes entreprises (PME) ne relèvent pas directement du champ d’application de cette proposition.

2) La proposition de Directive s'applique-t-elle uniquement aux opérations de l'entreprise ou également aux opérations des filiales et des autres acteurs de la chaîne d'approvisionnement ?

Les exigences s'étendent aux opérations propres aux entreprises soumises à la proposition de Directive, à leurs filiales, et à leurs chaines de valeur réalisées par des entités avec lesquelles l’entreprise a une « relation commerciale établie », définie comme étant des relations commerciales établies de manière directe ou indirecte/qui sont durables et qui ne « représentent pas une partie négligeable ou simplement accessoire de la chaîne de valeur ».4

3) Quels sont les droits de l’homme et les droits de l’environnement concernés par la proposition de Directive ?

La proposition de Directive fixe des exigences minimales auxquelles les entreprises doivent se conformer pour protéger les droits de l'homme et de l'environnement contre toute incidence réelle et négative.

Droits de l’homme

La proposition de Directive comprend des droits protégés par les accords sur les droits de l'homme « qui portent directement atteinte à un intérêt juridiquement protégé »5 dans un certain nombre de conventions internationales énumérées telles que, entre autres, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la Convention des Nations-Unies relative aux droits de l'enfant, le Protocole de Palerme visant à lutter contre la traite des êtres humains et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.6

L’environnement

La proposition de Directive exige des États membres qu’ils veillent à ce que les entreprises basées dans l'UE et soumises à la proposition de Directive « adoptent un plan visant à garantir que le modèle commercial et la stratégie de l'entreprise sont compatibles avec la transition vers une économie durable » et limitent le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius conformément à l'Accord de Paris.7 En outre, le plan doit évaluer si le changement climatique constitue un risque pour les activités de l'entreprise et, s'il s'agit d'un risque principal, l'entreprise doit mettre en place des objectifs afin de réduire ses émissions.

4) La proposition de Directive impose-t-elle aux entreprises un devoir de vigilance ?

Effectivement, la proposition de Directive prévoit que les entreprises adoptent des procédures formelles de vigilance.

La proposition de Directive indique que les États membres doivent s’assurer que les entreprises concernées :

  • Intègrent le devoir de vigilance dans toutes les politiques de l'entreprise et désignent des représentants habilités.8 Les entreprises concernées doivent avoir mis en place une politique reflétant l'approche de vigilance de l'entreprise, un code de conduite et une description des procédures pour mettre en œuvre la vigilance et assurer la conformité avec le code de conduite.9
  • Les dirigeants des entreprises sont tenus de prendre en compte les conséquences de leurs décisions en matière de durabilité à court, moyen et long terme dans les domaines des droits de l'homme, du changement climatique et des conséquences environnementales. En outre, le conseil d'administration des entreprises concernées devra mettre en place et superviser la mise en œuvre des mesures de vigilance et des politiques de vigilance de l'entreprise.
  • Prennent des mesures appropriées pour recenser les incidences réelles et potentielles sur les droits de l'homme et l'environnement suite à leurs activités, à celles de leurs filiales et à celles qui font partie de leur chaîne de valeur.
  • Préviennent ou atténuent de manière adéquate les incidences potentielles et prennent des mesures pour mettre fin aux impacts négatifs réels. Lorsque cela n'est pas possible, l'entreprise doit réduire au minimum l'impact négatif sur les droits de l'homme ou l'environnement.
  • Réalisent des évaluations périodiques et contrôlent l'efficacité de leurs politiques et mesures de vigilance. Ces évaluations doivent être effectuées chaque année ou à chaque fois qu'il existe des raisons de croire que de nouveaux risques ou impacts significatifs peuvent survenir.
  • Communiquent publiquement sur le devoir de vigilance en publiant les résultats sur le site internet de l'entreprise.10

5) Quelles sont les sanctions en cas de non-respect par les entreprises de la proposition de Directive ?

Les États membres devront mettre en place une autorité administrative nationale de surveillance chargée de contrôler et d'enquêter sur les activités des entreprises concernées, et ils pourront infliger des sanctions en cas d’infraction.11

L’autorité de surveillance a le pouvoir :

  • D’exiger d'une entreprise qu'elle remédie à toute violation ; 
  • D’émettre des mesures suspensives, d’imposer des sanctions financières en fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise12 et d’imposer d'autres mesures provisoires pour éviter tout risque de préjudice grave et irréparable.13

6) Une entreprise peut-elle faire l'objet d'une procédure de droit privé pour non-respect de la proposition de directive ?

Une entreprise encourt une responsabilité civile et des dommages et intérêts en cas de non-respect de la proposition de Directive.14

Toutefois, si une entreprise prend des mesures appropriées pour se conformer aux exigences imposées par la proposition de Directive, elle ne sera pas tenue de verser des dommages et intérêts pour l’impact négatif d'un partenaire indirect avec lequel elle a une relation commerciale établie. Dans ce cas, les actions de l'entreprise seront un facteur atténuant et potentiellement à décharge. Toutefois, cette exclusion ne s'applique pas aux entités de la chaîne de valeur directe.

Conclusion

La proposition de Directive aura un impact significatif sur les entreprises basées dans l'UE et hors de l'UE qui atteignent les seuils, une fois que les exigences seront transposées dans les lois nationales des États membres de l'UE.

Elle aura également un impact profond sur les PME qui n'atteignent pas les seuils fixés mais qui souhaitent continuer à faire des affaires avec les entreprises soumises à ces seuils.

La majorité des entreprises basées ou exerçant leurs activités dans l'UE ne disposent pas actuellement de systèmes et de processus adéquats pour répondre aux exigences de la proposition de Directive. Il est donc fondamental que les entreprises agissent dès maintenant.
 

Notes de bas de page

1) https://ec.europa.eu/info/publications/proposal-directive-corporate-sustainable-due-diligence-and-annex_en
2) Une fois adoptée par le Parlement européen et le Conseil européen, la Directive entrera en vigueur le vingtième jour suivant sa publication au Journal Officiel de l’Union Européenne et les États membres de l’UE auront deux ans pour la transposer dans la législation nationale.
3) Article 2
4) Article 3, alinéa (f)
5) Annexe, Partie 1, paragraphe 21
6) Annexe, Partie 1
7) Article 15
8) Article 16
9) Article 5
10) Article 11
11) Article 17
12) Article 20
13) Article 18
14) Article 22

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