Sélection de jurisprudence – France / Deuxième semestre 2018

 
February 05, 2019

Cette newsletter présente six décisions de jurisprudence rendues au cours des derniers mois.

1. Cumul d’emplois : Le salarié qui refuse de transmettre les éléments concernant son autre emploi peut être licencié pour faute grave (Cass. soc. 20 juin 2018, n°16-21.811)
 
Le salarié qui refuse de communiquer à son employeur les éléments relatifs à l’autre emploi qu’il occupe empêche ce dernier de vérifier que les durées maximales de travail sont respectées et peut en conséquence être licencié pour faute grave.
 
En l’espèce, une salariée avait conservé un emploi à temps partiel en sus de son emploi à temps complet. Lors de son embauche, elle avait néanmoins déclaré être libre de tous engagements. Son employeur avait découvert ultérieurement le caractère mensonger de cette déclaration et l’avait sommé de lui communiquer son autre contrat de travail ainsi que les bulletins de paye afférents. Cette sommation restant vaine, l’employeur licencia la salariée pour faute grave, ce que la Cour valide. De surcroît, la Cour relève que cette situation était de nature à porter atteinte à la santé et à la sécurité de la salariée concernée, compte tenu notamment de son état de grossesse.
 
2. Discrimination liée à une fécondation in vitro : La réduction d’horaires proposée à une salariée ayant informé d’un arrêt maladie lié à une tentative de fécondation in vitro constitue une discrimination (Cass. soc. 28 juin 2018, n°16-28.511)
 
Une salariée avait bénéficié de deux arrêts maladie de 15 jours chacun en raison de deux tentatives de fécondation in vitro. Décidant de faire une nouvelle tentative, elle informe son employeur d’un nouvel arrêt maladie quelques mois plus tard pour la même raison. Ce dernier lui proposa alors de passer de 35 à 30 heures hebdomadaires, ce que la salariée refusa.
 
La salariée a saisi la juridiction prud’homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail notamment en raison d’une discrimination.
 
Saisie du litige, la Cour de cassation considère que la proposition de modification laissait supposer l’existence d’une discrimination en raison de l’état de santé et validait ainsi la résiliation judiciaire prononcée par la Cour d’appel. Cette résiliation produisait alors fort logiquement les effets d’un licenciement nul.
 
3. Preuves au soutien du licenciement : Les seuls témoignages anonymes sont insuffisants pour fonder la décision du juge (Cass. soc. 4 juillet 2018, n°17-18.241)
 
Une salariée avait été licenciée à la suite d’une enquête menée par la direction de l’éthique de son entreprise sur le fondement de témoignages anonymes.
 
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel pour s’être fondé de manière déterminante sur ces témoignages anonymes pour déclarer le licenciement justifié.
 
L’arrêt de cassation est rendu au visa de l’article 6 (1) de la CEDH relative au droit au procès équitable. La Cour considère que la pratique du témoignage anonyme empêche le salarié accusé de contester directement la réalité des accusations formulées contre lui.
 
4. Congé maternité et prime : La prime subordonnée à la présence de la salariée n’est pas due pendant le congé maternité (Cass. soc. 19 septembre 2018, n°17-11.618)
 
Dans cette affaire, une entreprise du secteur bancaire transférait une de ses activités à une filiale italienne du groupe. A la suite d’un conflit social, les parties convenaient que les salariés chargés de transmettre leur savoir-faire aux équipes de la filiale italienne bénéficieraient d’un bonus dit de coopération.
 
Une salariée en congé maternité prétendait au versement de cette prime, considérant que sa privation était discriminatoire.
 
La Cour de cassation déboute la salariée en considérant que l’entreprise pouvait valablement refuser le versement de cette prime à la salariée en congé maternité dès lors que celle-ci n’avait pas rempli la condition de participation active et effective aux activités de transfert et de formation continue des équipes italiennes et que ces conditions de versement étaient objectives, mesurables et licites.
 
5. Requalification de CDD en CDI : Un salarié obtient la condamnation de son employeur pour licenciement nul parce qu’il était en arrêt maladie suite à un accident du travail lors de l’arrivée au terme de son CDD (Cass. soc. 14 novembre 2018, n°17-18.891)
 
Dans un premier temps un salarié obtenait la requalification de son CDD d’accompagnement dans l’emploi en CDI en se fondant sur la méconnaissance par l’employeur de son obligation de formation imposée par ce type de contrat. Puis, il s’est prévalu de la réglementation qui interdit de rompre un CDI pendant un arrêt maladie lié à un accident du travail.
 
La Cour de cassation considère alors que la rupture du CDD requalifié en CDI étant intervenue pendant l’arrêt maladie pour accident du travail, la rupture constituait un licenciement nul.
 
6. Responsabilité civile des syndicats : La responsabilité peut être engagée en cas de participation effective aux actes illicites commis à l’occasion d’une manifestation (Cass. ch. Mixte 30 novembre 2018, n°17-16.047)
 
Lorsque la participation effective d’un syndicat aux actes illicites commis à l’occasion d’une manifestation est établie, il en résulte que l’action du syndicat constitue une complicité par provocation, de sorte que se trouve caractérisée une faute de nature à engager sa responsabilité civile sans que puisse être invoqué le bénéfice de la loi sur la liberté de la presse.
 
En l’espèce le dirigeant d’une organisation syndicale agricole avait appelé publiquement ses adhérents à charger leurs camions de pneus et à les déposer devant le portail d’accès d’une usine Lactalis. Ce syndicaliste avait ensuite donné rendez-vous aux salariés à un rond-point afin de discuter de la suite des opérations et il était présent lorsque lesdits pneus avaient été embrasés, résultant en une détérioration des accès à l’usine. Ces divers éléments ont été considérés comme constitutifs d’une participation effective de nature à engager la responsabilité du syndicat.

 

Read: Case law update – France / Second Half-Year 2018
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