Droit Social | Sélection de jurisprudence – France | Second semestre 2024

 
January 07, 2025

Cette newsletter présente quatre décisions de jurisprudence rendues au cours des derniers mois :

  • L’employeur peut utiliser le contenu de clés USB personnelles pour prouver une faute grave (Cass. soc., 25 septembre 2024, n° 23-13.992)

La Cour de cassation continue d'élargir les exceptions à la recevabilité des preuves illicites et déloyales.

Une salariée est licenciée pour faute grave, après trente-sept ans d’ancienneté, pour avoir copié des documents appartenant à l’entreprise sur ses clés USB personnelles. Après avoir perdu devant la Cour d’appel, cette salariée forme un pourvoi en cassation. Elle invoque le caractère illicite de la preuve servant de fondement au licenciement, en l’occurrence le caractère personnel des clés USB dont le contenu avait été consulté et copié par l’employeur.

La Cour de cassation rejette cette contestation. Elle considère que l’employeur avait des raisons concrètes justifiant le contrôle effectué sur les clés USB de la salariée. En l’occurrence, plusieurs collègues attestaient avoir vu la salariée imprimer des documents à partir de l’ordinateur d’une collègue absente, puis ranger lesdits documents dans un sac plastique. De plus, la Cour de cassation note que les données ont été extraites des clés USB par un expert, en présence d’un commissaire de justice, et que seules les données professionnelles ont été transmises à l’employeur (à l’exclusion des données personnelles).

La Cour de cassation en déduit que l’exploitation des clés USB était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et que l’atteinte à la vie privée de la salariée était strictement proportionnée au but poursuivi.

  • L'employeur ne peut pas aller chercher des preuves dans la messagerie personnelle du salarié (Cass. soc., 9 octobre 2024, n°23-14.465)

Les documents présents dans le bureau d’un salarié sont présumés avoir un caractère professionnel et peuvent donc être utilisés par l’employeur pour prouver une faute du salarié. Toutefois, cette présomption tombe dans le cas d’emails issus d’une messagerie personnelle car ils sont, en tant que tels, identifiés comme personnel.

En l’espèce, un salarié a été licencié pour faute lourde, un licenciement qu’il a ensuite contesté devant la juridiction prud'homale.

La Cour d'appel a jugé le licenciement régulier car justifié par des courriels échangés entre le salarié et une société tierce, trouvés dans les locaux professionnels.

La Cour de cassation a annulé cette décision en relevant que les documents litigieux, certes découverts par l’employeur sur le bureau du salarié absent, provenaient néanmoins de la messagerie personnelle du salarié. Dès lors, l’employeur ne pouvait pas y accéder et les appréhender en l’absence du salarié, de sorte que la preuve avait été obtenue de façon illicite et donc irrecevable.

  • Pas de qualification de cadre dirigeant a posteriori (Cass. soc., 20 novembre 2024, n°23-17.881 F-D)

Un salarié, engagé comme responsable administratif et financier, a été licencié. Il a saisi la juridiction prud'homale pour des demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail, notamment en termes de temps de travail.

Pour rejeter ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires, la Cour d'appel a d’abord considéré que sa convention de forfait jours était privée d’effet. Elle a ensuite relevé que ses conditions de travail, caractérisées par une large autonomie et des responsabilités importantes, correspondaient à celle d’un cadre dirigeant. Pour la Cour d’appel il relevait donc de ce statut et les dispositions relatives au temps de travail ne lui étaient donc pas applicables.

La Cour de cassation ne partage pas cet avis. Selon elle, la conclusion d'une convention de forfait annuelle en jours, fût-elle ultérieurement déclarée illicite ou privée d'effet, ne permet pas à l'employeur de soutenir que le salarié relevait de la catégorie des cadres dirigeants.

  • Le cadre dirigeant doit nécessairement participer à la direction de l'entreprise (Cass. soc., 14 novembre 2024, n° 23-20.793 F-D)

Un salarié, engagé en tant que cadre dirigeant, occupait un poste de directeur de magasin. Il a saisi la juridiction prud’homale pour contester son statut de cadre dirigeant et formuler des demandes de rappel de salaires au titre d’heures supplémentaires.

La cour d'appel l’a débouté. Elle a estimé qu'il était cadre dirigeant, car il satisfaisait les critères cumulatifs de l’article L. 3111-2 du code de travail, à savoir :

- une grande indépendance du salarié l’organisation de son emploi du temps ;
- une habilitation du salarié à prendre des décisions de façon largement autonome ;
- une rémunération du salarié se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération dans l’entreprise.

La Cour de cassation considère cependant que, même si le salarié remplit les trois critères cumulatifs susmentionnés, la qualité de cadre dirigeant ne peut être retenue que si le salarié participe à la direction de l’entreprise.

Dès lors, sans participation du salarié à la direction de l'entreprise ce dernier ne peut se voir appliquer le statut de cadre dirigeant et être placé hors du champs des règles sur le temps de travail.

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