Sur l’information des usagers d’un médicament à l’occasion d’un changement de formule

 
December 09, 2020

Prescrit dans le traitement de l’hypothyroïdie, le Levothyrox est une spécialité pharmaceutique à marge thérapeutique étroite, délivrée sur ordonnance.

A la suite d’une demande des autorités de santé en 2012, le fabricant du Levothyrox a développé et mis sur le marché en mars 2017 une nouvelle formule de ce médicament, conservant le même principe actif (la lévothyroxine) mais avec de nouveaux excipients, dans le but de stabiliser les teneurs en lévothyroxine.

L’ANSM a alors constaté une hausse significative de signalements d’effets indésirables corrélés à une prise de Levothyrox nouvelle formule (31 400 pour la période s’étendant d’avril 2017 à juin 2018, soit 1,43 % des patients exposés, alors que la précédente formule ne générait que quelques dizaines de signalements annuels).

Cette affaire a connu un rapide retentissement médiatique, politique et judiciaire.

Le 4 octobre 2017, la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale fut saisie d’une « Mission flash Mission flash » à l’issue de laquelle elle concluait, le 31 octobre 2017, que la nouvelle formule n’était a priori "pas dangereuse en tant que telle pour la santé des patients", mais que "les troubles issus de sa prescription" résulteraient "en réalité de difficultés d’adaptation du dosage, propres à l’hormone concernée".

En parallèle, sur le plan judiciaire, une procédure pénale fut ouverte à Marseille, et une procédure civile fut engagée devant le Tribunal d’instance de Lyon par plusieurs patients afin de se voir indemniser du préjudice qu’ils estimaient avoir subi en raison d’un défaut d’information lié au changement de formule.

Dans le cadre de cette procédure civile, les demandeurs ont choisi une stratégie judiciaire assez originale puisqu’ils ont décidé de réclamer l’indemnisation d’un préjudice moral sur le fondement de la responsabilité délictuelle de droit commun, plutôt que de poursuivre l’indemnisation d’un préjudice corporel devant le Tribunal de grande instance (1). Cette stratégie leur a permis d’obtenir une décision dans un délai assez court, sans recours à une expertise judiciaire.

Le laboratoire a obtenu gain de cause en première instance, mais a été condamné en appel. Sans remettre en cause la conformité légale et réglementaire du processus de changement formule (2), la Cour d’appel de Lyon a considéré que le risque d’accroissement des effets indésirables aurait dû être anticipé par le laboratoire étant donné que l’industrie pharmaceutique avait par le passé été confrontée à des phénomènes analogues à l’occasion de modifications de spécialités identiques.

Dans ces conditions, la Cour a estimé que le laboratoire avait commis une faute en ne signalant pas de façon apparente le changement de formule sur l’emballage et la notice du médicament. En l’état, seule une lecture comparative approfondie des notices de l’ancienne et de la nouvelle formule permettait de déceler le changement d’excipient.
Le laboratoire a annoncé son intention de former un pourvoi en cassation contre cette décision.

(1) L’article L. 211-4-1 du Code de l’organisation judiciaire réserve au Tribunal judiciaire (ancien Tribunal de grande instance) les actions en matière de dommage corporel.
(2) Conformité dont on rappellera qu’elle n’est pas de nature à exonérer le fabricant et le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché de leur responsabilité de droit commun en application de l’article L. 5121-8 al. 6 du Code de la santé publique.

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