Les rapprochements d’entreprise sous haute surveillance des autorités de concurrence : rapport DAMITT 2021

 
February 08, 2022

Recrudescence des opérations de fusion-acquisition post-COVID, allongement des délais de contrôle, pourcentage élevé d’opérations interdites ou abandonnées : les autorités de concurrence à travers le monde ont été particulièrement actives et attentives à l’impact sur la concurrence des rapprochements d’entreprises en 2021. Des tendances mises en lumières par le rapport DAMITT (Dechert Antitrust Merger Investigation Timing Tracker) édité par le cabinet d’avocats international Dechert.

DAMITT est un outil extrêmement complet et qui permet d’analyser, d’un point de vue pratique, l’activité autorités de concurrence en matière de contrôle des concentrations (évolution du nombre d’opérations notifiées, durée réelle des procédures de phase I et phase II, tendances de moyen et long terme). Cet outil, lancé il y a maintenant plusieurs années aux Etats-Unis, a acquis une vraie notoriété outre-Atlantique. Les autorités américaines, FTC et DOJ, n’hésitent pas chaque année à le commenter et à s’y reporter pour fixer leurs objectifs en matière de délais, notamment. Pour la 2e année consécutive, en plus des Etats-Unis et de l’Union Européenne, DAMITT se penche sur l’activité des autorités de concurrence en France et en Allemagne.

Retrouvez l’intégralité du rapport DAMITT 2021 et ses données :
Pour la France et l’Allemagne
Pour les Etats-Unis et l’Union européenne


Principaux enseignements

En France

  • Le nombre de décisions rendues par l’Autorité de la concurrence a augmenté de 38% en 2021 (269), retrouvant ainsi son niveau pré-pandémie. Cette augmentation spectaculaire s’explique notamment par le fait que la notification de certaines opérations initialement prévues en 2020 a finalement été repoussée à 2021.
  • Toutefois, le nombre de cas soumis à une enquête approfondie de l’Autorité (Phase I avec remèdes et Phase II) reste stable par rapport aux années précédents (11).
  • Malgré le contexte économique lié au COVID-19, l’Autorité n’a pas relâché ses standards d’analyse : aucune opération ayant fait l’objet d’une Phase II en 2021 n’a été autorisée (une interdiction dans le secteur de l’énergie, et un retrait dans la grande distribution)
  • En conséquence, si la durée moyenne des procédures de Phase I avec remèdes a baissé de 30,3% (6,2 mois en moyenne), celle des Phases II a augmenté de 26% pour atteindre un record de 14,5 mois en moyenne.
  • Cette augmentation est due en particulier à un allongement de la phase informelle de pré-notification. A titre d’exemple, le dossier TF1-M6, annoncé en juillet 2021, fait toujours à ce stade l’objet de discussions préalables avec l’Autorité.

Etats-Unis et Union Européenne

  • Que ce soit au niveau de la Commission européenne ou aux Etats-Unis (FTC et DOJ), le nombre d’opérations notifiées aux autorités de concurrence a fortement augmenté. Au niveau européen, le recours à l’article 22, par lequel la Commission peut examiner des opérations qui tombent sous les seuils de contrôle nationaux, n’a contribué à cette augmentation que de manière marginale.
  • Malgré cela et malgré le Brexit, qui retire mécaniquement de la compétence de l’UE certaines transactions, le nombre d’opérations notifiées à la Commission européenne atteint un record (2e plus grand nombre d’opérations notifiées depuis 1990).
  • En revanche, le nombre d’opérations ayant fait l’objet d’une enquête approfondie est en baisse au niveau de la Commission européenne (-32%, 14 procédures seulement) et reste stable aux Etats-Unis (27), malgré le passage de l’administration Trump à Biden.
  • Pour les transactions qui font l’objet d’une enquête approfondie, cependant, les autorités antitrust aux Etats-Unis et la Commission européenne ont fait preuve d’une sévérité accrue : 37% de ces opérations ont été retoquées Outre-Atlantique, et 21% au niveau de la Commission européenne, conduisant à l’abandon de trois transactions-phares (Fincantieri/Chantiers de l’Atlantique, Air Canada/Transat et IAG/Air Europa).
  • En particulier, malgré l’impact de la pandémie sur le secteur aéronautique, la Commission européenne n’a pas hésité à faire échouer deux opérations dans ce secteur pour des préoccupations de concurrence.
  • La durée des procédures reste extrêmement longue : une opération de M&A qui fait l’objet d’une enquête approfondie est soumise à des délais d’examen de 12 mois en moyenne aux Etats-Unis (stable par rapport à 2020) et jusqu’à 19,2 mois en Phase II devant la Commission européenne, soit un nouveau record.
  • Au niveau européen, cette augmentation est notamment liée à l’allongement des délais de pré-notifications et au recours accru par la Commission à ses pouvoirs de « Stop The Clock » durant la phase formelle d’examen.
  • De telles durées d’examen sont particulièrement problématiques pour les entreprises lorsqu’elles font l’objet d’une procédure dite « Article 22 », c’est-à-dire que leur opération est examinée d’office par la Commission alors qu’elle n’était pas notifiable. C’est dans ce contexte que, dans le cadre du projet Illumina/Grail, les entreprises ont tenté (sans succès) de contourner ces délais en actant l’opération de rachat malgré l’examen en cours par la Commission.

« Cet énorme travail de compilation des données sur les décisions des Autorités nous permet aujourd’hui de fournir aux entreprises des indicateurs très précis et surtout très pratiques pour leurs opérations de fusion-acquisition. En analysant la durée réelle des procédures, les secteurs affectés et les grandes tendances sur le moyen et le long terme, nous leur offrons une visibilité accrue quant à l’impact que le contrôle des concentrations peut avoir sur leurs opérations, en matière de timing et de risques. DAMITT a largement fait la preuve de sa pertinence et de son utilité aux Etats-Unis, où il sert de référence tant aux agences gouvernementales qu’aux entreprises depuis des années, et devrait avoir le même impact en France. »

Laurence Bary, associée

 

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