Sélection de jurisprudence – France / Premier semestre 2020
Cette newsletter présente six décisions de jurisprudence rendues au cours des derniers mois.
La présomption de contrat de travail à temps complet peut être combattue avec succès par l’employeur (Cass, Soc., 18 décembre 2019, n°18-12.643)
Lors de son départ à la retraite une salariée à temps partiel demande en justice la requalification de son contrat en temps complet pour obtenir des rappels de salaire et la résiliation judiciaire de son contrat.
Alors même que le contrat de travail ne mentionnait ni la durée du travail ni sa répartition, ce qui laissait présumer, en application des dispositions légales, que le contrat était à temps complet, l’employeur a réussi à renverser cette présomption.
Les juges retiennent en effet que l’employeur a démontré que la salariée n’avait pas à se tenir en permanence à sa disposition, en rapportant la preuve de la durée exacte de travail convenue et de l’existence d’une organisation du travail d’une grande souplesse tenant compte des impératifs familiaux de la salariée.
La désignation d’un délégué syndical dans l’entreprise rend caduque la mise en place unilatérale de repos compensateur de remplacement (Cass, Soc., 29 janvier 2020, n°18-16.001)
En l’absence de délégué syndical, un employeur décide de remplacer, par décision unilatérale, la majoration salariale des heures supplémentaires par un repos compensateur.
Quelques années plus tard, à la suite de la désignation d’un délégué syndical, la négociation annuelle obligatoire est entamée sans que cela n’aboutisse à un accord sur le repos compensateur de remplacement.
Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, retiennent que la décision unilatérale de l’employeur est devenue caduque par disparition des conditions de son existence et qu’à défaut d’accord prévoyant la compensation des heures supplémentaires par du repos, les salariés ont droit au paiement desdites heures supplémentaires.
La protection du lanceur d’alerte n’est pas absolue et peut faire l’objet d’abus (CA Amiens, 9 janvier 2020, n°18/00584)
Un salarié a été licencié pour faute grave à la suite d’un courrier dénonçant, en des termes comminatoires, diverses infractions au droit du travail, pénal et à l’environnement par son employeur.
Malgré une dénonciation des faits en la forme officielle, les juges ont relevé l’absence de démarche préalable auprès des instances représentatives du personnel ou des autorités compétentes, ainsi que le manque d’objectivité du salarié et l’absence de mise en contexte des faits.
Les juges valident le licenciement. Ils décident que le manquement à l'obligation de loyauté par des accusations mensongères afin de négocier la rupture de son contrat de travail constitue une faute grave.
L’expiration du délai de consultation du CSE peut être remise en cause par un jugement ultérieur (Cass, Soc., 26 février 2020, n°18-22.759)
Le CSE central d’EDF avait saisi le Tribunal judiciaire avant l’expiration du délai pour rendre son avis pour demander la prolongation de celui-ci jusqu’à la communication des éléments nécessaires pour rendre un avis éclairé.
Jusqu’à présent l’absence de décision de justice au jour d’expiration du délai de consultation permettait de considérer que l’absence d’avis valait avis négatif.
Par un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation considère que le Tribunal judiciaire a été saisi par le CSE dans le délai de consultation, et que dès lors même s’il se prononce après l’expiration du délai de consultation il peut ordonner la prorogation du délai de consultation.
Le procès-verbal d’élections professionnelles doit être dressé immédiatement après le dépouillement (Cass Soc., 27 mai 2020, n°19-13.504)
Un syndicat a demandé l’annulation des élections professionnelles, faute pour l’employeur d’avoir fait rédiger le procès-verbal immédiatement après la fin du dépouillement et pour le procès-verbal de contenir les protestations émises quant à la régularité du scrutin.
Donnant raison au syndicat, la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel qui avait débouté le syndicat au motif qu’il ne démontrait pas que les irrégularités invoquées avaient faussé les résultats.
Pour la Cour de cassation le non-respect de la formalité d’établissement du procès-verbal immédiatement après le dépouillement est de nature à affecter la sincérité des opérations électorales et constitue une irrégularité justifiant à elle seule l’annulation des élections.
Donner le numéro de téléphone d’un salarié à la société de télésurveillance peut créer une astreinte que l’employeur doit rémunérer (Cass, Soc., 24 juin 2020, n°18-23.777)
Un employeur a communiqué à la société en charge de la télésurveillance de son magasin le numéro de téléphone d’un salarié afin qu’il puisse être joint et intervenir en cas de déclenchement de l’alarme en dehors des horaires d’ouverture du magasin.
La Cour de cassation, confirmant l’arrêt de cour d’appel, condamne l’employeur à verser au salarié une somme à titre de compensation des astreintes.
En effet, les juges considèrent que laisser les coordonnées de l’endroit où le salarié peut être joint en dehors des heures de travail, afin qu’il puisse intervenir rapidement en cas de nécessité, constitue une astreinte.