Hygiène, sécurité et conditions de travail / Second semestre 2020
La sanction de la méconnaissance de la procédure de reclassement en cas d’inaptitude d’origine non-professionnelle est précisée (Cass. soc. 30 sept. 2020 n°19-11.974 FS-PBI)
Un employeur peut licencier un salarié déclaré inapte par le médecin du travail s’il justifie (i) soit de l’impossibilité de lui proposer un autre emploi disponible correspondant aux prescriptions du médecin du travail ; (ii) soit du refus par le salarié de l’emploi proposé ; (iii) soit d’une dispense de reclassement formulée par le médecin du travail.
L’employeur doit dans tous les cas consulter le comité social et économique pour recueillir son avis sur la pertinence du poste de reclassement ou sur l’impossibilité de reclassement du salarié avant de prononcer le licenciement. Il n’est pas tenu de suivre une procédure encadrée par la loi à cet effet mais doit néanmoins agir rapidement. L'employeur doit en effet reprendre le versement de la rémunération du salarié si celui-ci n'est ni reclassé ni licencié un mois après que l’employeur ait reçu l'avis médical d'inaptitude.
La sanction de l’inobservation de la procédure de consultation est connue de longue date lorsque l’inaptitude est d’origine professionnelle. Elle ne l’était pas lorsque l’inaptitude est d’origine non-professionnelle. Fallait-il pour autant conclure à l’absence de sanction ?
La Cour de cassation répond par la négative. Le défaut de consultation des représentants du personnel préalablement au licenciement du salarié inapte a pour conséquence :
- soit la nullité du licenciement, si l’inaptitude est d’origine professionnelle (c’est-à-dire consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle), et donc la réintégration du salarié ou, à défaut, une indemnité qui ne peut pas être inférieure à six mois de salaires ;
- soit un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si l’inaptitude n’est pas d’origine professionnelle, et donc le paiement de dommages et intérêts en application du barème légal d’indemnisation.
Caractérisation d’une faute inexcusable : dernières illustrations (Cass. 2e civ. 8 oct. 2020 n° 18-25.021 FS-PBI ; Cass. 2e civ. 8 oct. 2020 n° 18-26.677 FS-PBI)
L’employeur est tenu à une obligation légale de sécurité vis-à-vis de ses salariés. Le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle bénéficie d’une meilleure indemnisation en cas de faute inexcusable de l’employeur : il jouit d’une réparation intégrale de l’ensemble de ses préjudices et l’employeur en supporte les conséquences financières. Une faute inexcusable est caractérisée si deux conditions sont réunies : (i) l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et (ii) il n’a pas pris les mesures nécessaires pour en préserver le salarié.
L’actualité de ce second semestre offre deux illustrations de la mise en œuvre de ces conditions.
La première concerne un conducteur d'autobus victime d’une agression. Au jour de la survenance de son accident au travail, quatre agressions avaient été signalées en 20 mois sur sa ligne de bus. La Cour de cassation en déduit que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du risque d'agression physique auquel étaient exposés les conducteurs (Cass. 2e civ. 8 oct. 2020 n° 18-25.021 FS-PBI). La conscience du danger se mesure ainsi notamment au regard de l’appréciation que l’employeur doit raisonnablement porter sur la situation compte tenu de son expérience et de ses connaissances professionnelles.
La seconde illustration concerne un salarié atteint de silicose. La Cour de cassation déduit une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle du salarié du fait de l’inefficacité des mesures de protection mises en œuvre par l’employeur (Cass. 2e civ. 8 oct. 2020 n° 18-26.677 FS-PBI). Les juges contrôlent ici, face à un danger identifié par l’employeur, les mesures prises pour préserver la santé des salariés et les corrections éventuellement apportées en cas de faille identifiée.
Le salarié peut demander réparation des circonstances vexatoires dans lesquelles est survenu son licenciement même lorsque celui-ci est justifié par une faute grave (Cass. soc. 16 déc. 2020 n° 18‑23.966 F-PBI)
Un salarié est licencié pour faute grave. Son employeur partage des informations avec des tiers sur les motifs de ce licenciement. Le salarié l’apprend et décide de contester non-seulement son licenciement mais aussi de solliciter des dommages et intérêts pour le préjudice moral lié aux circonstances entourant la rupture de son contrat de travail.
La cour d’appel lui donne tort, jugeant que le licenciement est fondé sur une faute grave et que sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire doit être rejetée.
La Cour de cassation censure cette décision, estimant que les juges d’appel se sont livrés à une analyse trop rapide. Même lorsqu’il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui‑ci, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice particulier dont il est fondé à demander réparation. Cette demande de dommages‑intérêts à raison du comportement fautif de l’employeur dans le cadre de la rupture du contrat de travail est ainsi indépendante du bien‑fondé de la rupture du contrat de travail.