Sélection de jurisprudence - France / Second semestre 2022

 
January 09, 2023

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Cette newsletter présente quatre décisions de jurisprudence rendues au cours des derniers mois :

  • Transfert partiel d'entreprise : l'entité économique autonome peut être issue de plusieurs entreprises (CE, 28 octobre 2022, n°454355)

En cas de transfert partiel d’entreprise (article L. 1224-1 du Code de travail) le transfert du contrat d’un salarié protégé ne peut se faire qu’après autorisation de l’administration du travail. A cette fin, elle doit vérifier que le transfert concerne une entité économique autonome.

Mais cet ensemble peut-il être issu de plusieurs sociétés distinctes au sein d’un même groupe ?

Le Conseil d’Etat répond par l’affirmative et retient que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels et incorporels permettant l’exercice d’une activité qui poursuit un objectif propre, conservant son identité, et dont l’activité est poursuivie par le nouvel employeur, peu important à cet égard que cet ensemble soit issu de plusieurs parties d’entreprises distinctes d’un même groupe.

  • L’ordre du jour des réunions du Comité central d’entreprise peut être modifié en début de séance (Cass. crim., 13 septembre 2022, n°21-83.914 F-B)

Un ordre du jour de Comité central d’entreprise ne comportait pas la mention d’une délibération sur l’action en justice du Comité et le mandatement du Secrétaire en vue de cette action. Au début de la séance les membres du Comité présents ont, à l’unanimité, voté l’ajout de cette délibération à l’ordre du jour.

Le Secrétaire initia contre l’employeur l’action en justice ainsi votée. L’employeur contesta la qualité du Secrétaire à agir en justice. Selon lui, la délibération du Comité n’était pas régulière faute d’avoir été inscrite à l’ordre du jour avant la séance.

La Cour de cassation rejette cet argument et déduit de l’acceptation sans objection des membres présents du Comité la manifestation que ces derniers ont été avisés en temps utile. Les représentants du personnel ont donc pu valablement ajouter un point à l’ordre du jour en début de séance.

Cette solution peut être transposée au Comité social et économique.

  • Exprimer son désaccord avec la direction lors d’une réunion relève du droit d'expression (Cass. soc., 21 septembre 2022, n°21-13.045 FS-B & Cass. soc., 28 septembre 2022, n°20-21.499)

Au cours d'une réunion d’expression collective, un salarié s’était exprimé négativement sur l'organisation de son travail mise en place par sa supérieure hiérarchique et la surcharge de travail en découlant. Cette prise de parole conduit à son licenciement pour faute simple qu’il contesta.

Pour le débouter de ses demandes, la Cour d’appel considère que ce comportement s'analyse en un acte d'insubordination et une attitude de dénigrement.

La Cour de cassation donne raison au salarié et casse l’arrêt d’appel au visa des dispositions du Code du travail instituant le droit d'expression directe et collective et protégeant les salariés l'exerçant de toute sanction ou licenciement.

Dans une autre affaire similaire, après avoir reçu un avertissement pour avoir exprimé lors d'une réunion de travail son désaccord avec la direction, un salarié pris acte de la rupture de son contrat de travail et demanda que cela soit qualifié de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les juges d’appel lui donnent tort, en soulevant notamment que l'expression d'un avis divergent provenant d'un cadre, censé fédérer les salariés placés sous sa responsabilité et soutenir la politique mise en œuvre par la direction, est susceptible de porter préjudice à l'entreprise. 

Devant la Cour de cassation le salarié gagne au motif que, sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression.

  • Le transfert de plus de 250 mails professionnels sur sa messagerie personnelle peut être une cause de licenciement du salarié (Cass. soc., 9 novembre 2022, n°21-18.577)

Un salarié est convoqué à un entretien préalable. Redoutant la possibilité d’un licenciement, il se transfère 256 mails professionnels sur sa messagerie personnelle. Il est licencié pour faute grave sur ce fondement.

La Cour d’appel considère que le licenciement n’est pas justifié car les documents « pouvaient s’avérer nécessaire à l’exercice de sa défense ».

La Cour de cassation donne raison à l’employeur. Elle considère que le salarié doit établir que les documents en cause « étaient strictement nécessaires à l’exercice des droits de sa défense dans le litige en question ». À défaut, le licenciement est valable.

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