Modification provisoire du régime de contrôle des investissements étrangers pour les entreprises stratégiques françaises : quel impact en cas de pool d’investisseurs ?

 
October 06, 2020

Annoncées par Bruno Le Maire le 29 avril en plein cœur de la crise sanitaire, le Gouvernement a adopté le 22 juillet dernier des mesures provisoires visant à abaisser le seuil du contrôle des investissements étrangers pour mieux protéger les entreprises françaises actives dans des secteurs stratégiques contre des acquisitions opportunistes, rendues possibles du fait de la baisse des valorisations.

Dans le contexte sanitaire actuel, le secteur de la santé fait l’objet d’une vigilance particulière de la part du Ministère de l’Economie chargé du contrôle de ces opérations et doté du pouvoir de s’y opposer. Depuis le 6 août et jusqu’au 31 décembre 2020, il doit donc être informé de tous les investissements atteignant 10% de droits de vote dans une entreprise cotée de droit français et active dans l’un des secteurs stratégiques mentionnés dans le code monétaire et financier (CMF) (article R. 151-3).

Ce seuil peut être atteint « directement ou indirectement, seul ou de concert », ce qui étend de manière considérable le champ du contrôle du Ministère.

Ce nouveau mécanisme ne correspond toutefois pas à la procédure classique d’autorisation.

Afin de s’adapter aux règles de droit boursier d’investissement, le décret a mis en place une procédure allégée consistant pour l’investisseur étranger à notifier au Ministre une liste d’informations sur l’investissement envisagé au moins 10 jours avant la date prévue pour la réalisation de l’opération. Les renseignements demandés sont définis dans un arrêté du 22 juillet 2020. Ils sont essentiellement similaires à ceux fournis à l’Autorité des marchés financiers dans le cadre des déclarations de franchissement de seuil.

A compter de la réception de ces informations, le Ministre a 10 jours pour s’opposer à l’opération. S’il émet des doutes sur celle-ci, elle devra être notifiée selon la procédure d’autorisation de droit commun. Son silence à l’issue de ce délai de 10 jours vaut acceptation.

En l’absence d’opposition expresse dans le délai de 10 jours, l’opération pourra être réalisée sans autre formalité dans les 6 mois qui suivent.

La simplicité apparente du mécanisme pourrait toutefois se révéler difficile à mettre en œuvre dans les hypothèses de pool d’investisseurs participant conjointement à la même levée de fonds, en particulier si tous les investisseurs y participant n’y sont pas soumis.

En effet, les investisseurs européens, personne physique ou morale domiciliée et possédant la nationalité d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un Etat membre de l’Espace économique européen ayant conclu une convention d’assistance administrative avec la France pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, ne sont pas soumis à ce nouveau régime, de même que toute société dont « l’ensemble des membres de la chaîne de contrôle » relèveraient d’un de ces Etats.

Dans l’hypothèse d’un pool d’investisseurs dont l’un seulement serait soumis à ce contrôle, se pose alors la question de savoir si l’investissement est mis en œuvre en deux tranches en attendant l’approbation par le Ministre de l’investissement étranger concerné, avec les enjeux que cela implique sur les changements de cours de bourse de référence, ou si l’investissement de tous doit être retardé.

Les sanctions prévues pour les opérations soumises au régime classique d’autorisation s’appliquent à ce régime allégé. Pour mémoire, elles peuvent s’élever au double du montant de l’investissement irrégulier ou à 10% du chiffre d’affaire de la société cible, voire entrainer l’annulation de la transaction.

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